Tu vas pas comprendre. Tu vas admettre.
-Oh, ça va, il venait juste dire un p'tit coucou...
-Silvouplait, asseyez vous !
-Ok, ok... Voilà, satisfait ?
-Vous pouvez plus le lâcher ou quoi mon rocking chair ?
-Ben, c'est pas que ton canapet IKEA me plaît pas, hein, mais c'est aussi ton pieux quoi, et comme on en est qu'à notre premier rendez-vous.
-Sérieux, vous ètiez comme ça du temps de votre règne ?
-Oh non !
-Et comment ça se fait alors ?
-Quand t'es mort, c'est marrant.
-Marrant ?
-Plus de soucis, plus de tracas, le plus drôle dans l'histoire, c'est que toute ma vie, j'ai voulu éviter la mort.
-En même temps, c'est ce qu'on fait tous.
-C'est débile.
-J'voudrais bien vous soutenir, mais je sais pas ce que c'est.
-Ben, comme tu vois, on peut venir squatter les chiottes des mortels et prendre les cochons d'indes des empereurs.
-'téréssant.
Curieusement, un silence s'installe.
Il ne reprend pas la parole.
Moi non plus.
Qu'est-ce que je pourrais dire à un mort ?
Mais... pourquoi sourit-il ?
-T'as oublié que j'avais le forfait impérial, hein ?
-Ah merde, c'est vrai...
-C'est quoi le silence pour toi ?
-Pourquoi cette question ?
-Réponds. Juste, réponds.
-Je sais pas... l'absence de bruits ?
-Un bruit ça s'entend. Le silence ne peut pas être l'absence de la faculté d'entendre, puisque tu écoutes.
-Mais il n'y a rien à écouter... !
-Si.
-Dites moi alors.
-Il y a beaucoup choses à écouter.
-Du genre ?
-Ca ne se nomme pas. Nommer, c'est réfléchir, c'est classer, c'est ranger. Certaines choses ne font que se ressentir.
-Et donc, le silence ?
-Le silence, c'est le cri déséspéré de ce que vous, les mortels, ne prenez jamais le temps d'écouter.
-Pourquoi vous êtes devenu tout sérieux d'un coup ? Depuis le début vous êtes pas capable d'aligner une phrase sans passer pour un débile, et là, vous devenez philosophe ?
-Bah, ch'ais pas moi. J'trouvais ça classe.
-Franchement, pourquoi vous êtes là ?
-Ca t'emmerde que j'y sois ?
-C'est que j'aimerais comprendre.
-Pourquoi t'as besoin de comprendre, de toujours comprendre ? Je suis là, point.
-Euh... ?
-Ca te paraît si impossible dans ton monde si carré, si bien organisé, qu'un mec mort depuis près de cent-cinquante balais se pointe, comme ça ?
-Ben... Ca surprend en tout cas.
-Et si j'te disais : admets?
-Ca me serait toujours difficile à admettre.
-Toi, tu penses que la réflexion la plus logique serait que tu sois devenu dingue.
-Ben, au début oui, mais si je l'étais vraiment, il n'y aurait pas que vous que je verrais.
-T'as quand même eu un Kaiser et un spleeneux qui ont frappé à ta porte...
-Ouais, mais... le reste est normal. J'ai appelé Romain, et tout semblait bien.
-Y va bien Romain ?
-Euh... oui, mais... ?
-''Monsieur l'empereur des Français, comment ça se fait que vous le connaissiez ?''
-Ben, c'est un peu ça.
-Dis moi, ta réflexion logique là, tu ne peux agir que par elle ?
-Mais qu'est-ce que vous me voulez à la fin ?!
-Tu te souviens de ton père ?
-Euh... oui, évidemment, mais quel rapport ?
-C'est bien le type qui était gastro-entérologue, qui est parti, et qui est devenu psychiatre juste avant que son cancer n'empire ?
-Oui... et ?
-Je l'ai vu.
-Quoi ?
-Ouais, non, t'as raison, vu ce que je suis... ''Il m'a vu'', on va dire.
-Vous avez vu mon père ?
-Chic type Pierre-Michel. Très intéréssant comme bonhomme.
-Euh... il va bien ?
-La dernière fois que je l'ai vu, il jouait au scrabble avec Freud.
-Mais... pourquoi ne vient-il pas nous voir, si vous, vous pouvez ?
-Il a pas le forfait.
-Ah, putain, 'core cette histoire bidon.
-Eh ! Pas bidon du tout !
-Ouais, enfin... et donc, poursuivez.
-Donc, on s'est vu, et on a papoté. Tu te souviens de ce qu'il voulait savoir de toi, quand t'étais encore ay lycée ?
-Oui, comment j'allais, tout ça, quoi.
-Et toi, tu lui répondais quoi ?
-Je lui parlais de ce que je faisais, de mes notes, de...
-Et lui, il te répondait quoi ?
-Il voulait pas savoir ça.
-Ouais.
-Il voulait que je lui parle d'autres choses.
-Ca ne l'intéréssait pas ?
-Si, si. Mais... je suppose que ça vient joindre avec ce que vous me disiez...
-C'était trop banal ?
-Trop matériel. C'est vrai que de sa part, on pouvait difficilement s'attendre à ce qu'il reste pencher très longtemps sur ce genre de choses.
-Toujours dans l'astrologie, hein ?
-J'sais pas si c'était ça, mais y'avait quelque chose avec les signes, les étoiles, des trucs dans ce genre. Enfin, pourquoi vous me parlez de lui ?
-Parce qu'il m'a demandé de te venir en aide.
-Quoi ?
-Il peut pas venir à toi.
-Oui, bon ça, j'ai compris.
-Donc, il m'a demandé.
-Et ?
-Et j'ai dit oui.
-Mais pourquoi ?
-Parce que j'l'aime bien ton père.
-Ah, mais, non, pas ça ! Pourquoi faire ?
-J't'ai entendu penser, dans la rue.
-Ah... ?
-T'es un type bien.
-Merci.
-Mais il te manque beaucoup choses.
-Du genre ?
-T'as résumé ta vie en trois mots. Tu peux me les dire ?
-Euh... Etudes, passions, relations ? C'est ça ?
-C'est ce que t'as pensé.
-Et ?
-Tu vas me faire le plaisir de foutre en l'air tout ça.