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Délires gnossiens
22 mars 2010

Camcam

-Attendez, quoi ?

-Oui, oui, t'as bien entendu.

-Vous délirez là ?!

-J'croyais que c'était toi.

-Vous débarquez comme ça, et vous croyez que vous allez chambouler ma vie ?

-Bah... Je m'étais pourtant dit que recevoir la visite de Napoléon III en 2010 n'était pas banal.

-Vous êtes quelqu'un de très humble.

-Très modeste également.

-Oui, si vous voulez. Vous avez fini avec vos conneries ?

-J'étais très sérieux, Etienne.

-Normalement, je devrais être surpris du fait que vous connaissiez mon nom...

-... Mais si tu l'étais, tu sais que tu ne finirais pas de l'être.

-Ouais. Donc, poursuivez va, et quand j'en aurais marre, je vous prierai gentiment de vous carrer vos idées venues d'outre-tombe dans la partie de votre corps qui n'a jamais vu le soleil.

-Je suis sérieux.

-Oh, mais moi aussi !

-Tu ne te rends pas compte... de tout ça.

-De quoi ?

-C'est triste à en pleurer !

-Ma vie ?

-Pas seulement ! Tout ! Non, mais franchement, tu as vu ce que tu as dit à ta voisine toute à l'heure ?!

-Qui, Camille ?

-Non, celle dans la cour, quand tu arrivais.

-Ah. Ben quoi, je lui ai dit bonsoir.

-Bonsoir.

-Oui... et ?

-Et à part ''bonjour'', t'es allé plus loin ?

-Mais non ! Et qu'est-ce que ça peut vous foutre à la fin ? Vous voulez que je la drague ?

-Etienne, ça ne te vient même pas à l'esprit que cette personne pourrait être autre chose qu'un truc qui fait des bruits pas et à qui tu sors l'un des mots les plus communs qui soient ?

-Sans doute, si, mais c'est comme ça, et pis, déjà pas mal que je la salue ! Dans la rue, on ne se dit rien !

-Et tu trouves ça bien ?

-J'ai pas à trouver ça bien. Vous me demandiez d'admettre, admettez que tels sont les rapports entre les gens et que ce n'est certainement pas ma petite personne qui pourrait les changer !

-Et est-ce que tu voudrais les changer ?

-Pardon ?

-Je veux dire... est-ce que tu penses que ça serait mieux, pour toi, si tu allais demain, dans la rue, dire bien plus que ''bonjour'', et s'intéresser à la personne ?

-On m'enverrait chier sévère ouais !

-Hmmm... pas faux.

-Ah, vous voyez. Vous me semblez bien utopiste.


Il se lève. Il va vers mon étagère, et prend un de mes livres. ''Abraham Lincoln'', édité chez Fayard.


-Qu'est-ce qu'il disait déjà Lincoln ?

-A quel sujet ?

-Je sais que tu aimes les citations. Vas-y, épates moi.

-Euh... ''On ne peut échouer si l'on est résolu à échouer'' ?

-Voilà.

-Voilà quoi ?

-Tu saisis un peu le rapport ?

-Attendez, là, non, je vois pas où vous voulez en venir.

-Comment tu traduirais cette phrase ?


J'hésite un moment.

 

-L'acte prévaut sur le résultat.

-Voilà.

-Et donc, vous voudriez dire que je devrais me pointer devant quelqu'un et m'intéresser à lui, au risque de me prendre un vent ?

-Voilà.

-Mais, pourquoi est-ce que je devrais faire ça ? Je m'en fous des autres !

-Tu dis ça parce que tu aimerais croire que tu t'en fous, ça excuserait ton attitude, ça la légitimerait.

-C'est vous qui le dites.

-Moi, je pense plutôt que tu n'attends que ça. Aller vers l'autre et...


Mon portable sonne.

 

-Vous permettez ?

-T'en prie.


C'est Camille.


-Chalut ! Comment chat va ?

-Chat va pas.

-Ah, ça me change de d'habitude !

-Arrêtes, j'ai été bien ces derniers temps.

-T'aurais tes raisons, au vu des résultats du semestre. L'amphi entier a été décimé.

-Tu peux parler, t'as eu une mention.

-J'en suis pas spécialement fier.

-Tu devrais pourtant, ça pète en seconde année d'en avoir une !

-Oh, mais vous la bouclez vous ?!

-Quoi ?

-Euh...

-A qui tu parles ?

-Eh, gros blaireau, au cas où tu le saurais pas, y'a que toi qui peut me voir et qui peut m'entendre.

-Euh, non, non ! Bon, je peux faire quoi pour ma camcam ?

-T'es pas tout seul ?

-Mais si !

-Etienne... ?

-Mais si, arrêtes, tu sais que je dois partir à St-Go pour mon tournoi, là !

-Mouais...

-Suspicieuse hein ta ''camcam''.

-Bon, je peux faire quoi pour toi ?

-J'peux passer ?

-Euh...

-T'inquiètes, ça attendra notre 'tite discussion. Enfin, pas trop quand même.

-Etienne ?

-Euh oui ! Oui ! Je ferais mon sac, mais je serais là. Tu passes dans combien temps ?

-J'mets mon pull vert et j'suis là.

-Wouokey monkey !


Clic.


-''Wouokey monkey'' ?!

-Oh ça va, hein !

-Mais d'où ça vient ce trip sur les babouins et les glaïeuls ?

-Croyez le, croyez le pas, mais dans ma vie, ''si triste'', il m'arrive de m'amuser avec des ''amis''.

-Mais le prends pas mal !

-Ouais, ben d'ailleurs, ça serait pas mal si vous vous arrêtiez pendant que je suis au téléphone !

-Ca change rien, y'a que toi qui peut m'entendre !

-Ca m'emmerde quand même !

-Y'a-que-toi !

-Bordel, mais j'peux pas parler à deux personnes en même temps !

-T'as qu'à penser !

-Ah.

-C'que t'es pas malin alors...

-Oh, hein, pouet pouet !

-Quoi ''pouet pouet'' ?

-Vous voulez qu'on parle de l'expédition du Mexique ?

-Euh...

-De la guerre franco-prussienne ?!

-Bon, t'as gagné c'te manche.


On tappe à la porte.


-Hihi ! 'tille Cam... ?

-Oui, excusez moi, mais toute à l'heure, vous semblez m'en vouloir...

-Non mais ! Monsieur Baudelaire, foutez moi le camp d'ici !

-J'aime pas quitter les gens sur de mauvaises bases, vous savez.

-Bon, Charlounet, tu dégages !

-Vous aidez pas à la réconciliation...

-Mais... bordel ! Barrez vous !

-Franchement, j'aurais tout fait...

-Foutez le camp !


J'entends le bruit de l'ascenseur.


-Eh, Charlie, va, écoutes le monsieur.

-Oui, oui. Bon, tu comprends toi, Louis-Nap' ?

-Ouais, t'en fais pas, j'lui en toucherais deux mots quand il sera plus calme, hein. Et pis, de moi à toi , de toi à moi, j'y suis un peu pour quelque chose dans ta poésie ?

-Tu sais, quand j'disais que c'était ''pas tant que ça'', ça supposait que t'y étais tout de même partie présente !

-Mais vous dégagez là ?!

-Bon, bon, je vous laisse.


Camille arrive.


-Tu m'attendais ?

-Ben... euh, vi ! Evidemment !

-Mais il fait trop froid dans le couloir !

-Bah, ça me dérange pas...

-Demande lui de te réchauffer !

-Bouclez la vous ! C'est une amie !

-Etienne ?

-Euh oui ! Rentres, rentres, j't'en prie !

-Bon...

-J'te sers quelque chose ?

-'spèce d'ordure ! A elle oui, et moi j'peux crever ?

-Vous êtes déjà mort.

-Non, non, ça va.

-Bon, viens, on va papoter sur le canapet. T'as pas l'air bien...

-Je suis inquiète.

-Inquiète pour quoi ?

-Tu crois que je vais foirer mon année ?

-Mais non !

-Bon, allez, sois sincère !

-J'ai vu comment il fallait devenir notaire...

-Et ?

-C'est chaud.

-Ah ben ça, hein, 'pas un scoop.

-Non, mais vraiment, je sais pas si je tiendrais le coup, déjà que je vais redoubler.

-Mais non !

-Rho, mais si !

-Tu connais pas la dernière.

-Laquelle ?

-Y'a mes parents qui débarquent.

-Oula !

-Non, ils ont bien pris les résultats, mais ça risque de poser des soucis vis à vis de Matthieu.

-Pourquoi ?

-Ils veulent me ramener pour les vacances dans le Gers, et lui, il aurait voulu passer quelques jours avec moi.

-C'est normal qu'ils souhaitent te voir, tu devrais le prendre bien.

-Oui, oui, mais il va me faire la tête.

-Ouais ben, hein, 'vu tout le temps qu'il est là !

-Il est toujours là.

-Et puis, tu vois, retourner là-bas, c'est pas le top top, non plus.

-Ecoutes, c'est normal, non ? Et puis, t'as la voiture, rien ne t'empêchera de revenir sur Toulouse pour le voir ?

-Moui...

-Allez, camcam, ça va aller !

-J'ai reçu un mail du prof de pénal.

-Sans transitions !

-Ah. Et ?

-Il m'a répondu poliment.

-C'est déjà ça, y'en a d'autres qui n'hésitent pas à répondre plus que sèchement !

-Il m'a dit qu'il avait pas tout lu de ma copie.

-... !

-Ben ouais, 'croyez quoi, ces jeunes alors... !

-Je suppose que comme chaque fois, ce sont les chargés de TD qui corrigent.

-Oui, mais quand même !

-Ca m'exaspère. J'avais tout appris.

-Je sais.

-Encore pour l'administratif, d'accord, mais là !

-Tu vas pas te laisser aller ?

-Je sais pas.

-Si tu sais.

-Non, je sais pas.

-''Je sais pas'', c'est la réponse de ceux qui savent et qui veulent pas dire !

-Ouais, ben, c'est pas moi.

-Camille !

-Je-sais-pas !

-T'as pas encore compris, s'pèce d'ahuri ?

-Bon...

-Je vais te laisser. Tu dois rentrer.

-Oui, c'est vrai, ça.

-C'était comment ton TD de fiscal ?

-''Et ils sont où les fiscalistes ?''

-233 ''en fait'' en 90 min, sinon, c'était affreux.

-Il paraît qu'on vous note large à l'épreuve.

-Y'a intérêt ! Non mais vlaiment !

-Arrêtes ! C'est vilain de prendre cet accent !

-Ouais, ben, tu sais pas ce que c'est que d'avoir un cours sur les ''inpottes'' pendant 1h30 !

-Allez, je file.

-Tu m'appelles hein ?

-Non, c'est toi.

-Toi quoi ?

-Qui m'appelleras.

-Et pis quoi ?!

-Alors, je t'appellerai pas.

-Mais euh !

-Tschüss !


La porte fait toujours autant bruit en s'ouvrant. Et comme toujours, elle est pénible à refermer.


-J'voulais te dire. Même si je regrette que Charlie soit parti, c'est quand même sympa de ta part de pas m'envoyer baladaer comme lui... tu sais, moi aussi j't'aime bien.

-Non mais vous délirez !

-Quoi ?

-Vous pensez sérieusement que j'ai envie de vous garder ici ! La seule raison pourquoi vous y êtes, c'est parce que vous êtes plus obstiné que l'autre baltringue !


Camille revient, elle passe la tête entre le mur et la porte, et guette d'un air louche mon studio.


-Y'a qui ?

-Mais y'a personne !

-Y'a qui, j'te dis ?!

-Mais allez va-t'en, je dois faire mon sac !


Gentiment, je m'évite plus longtemps cette confrontation entre la réalité et la folie.


-Obstiné, obstiné... 'pas tant que ça.

-Comment ça ?

-Tenace, au plus !

-Rha... mais que vous êtes agacant !


Elle revient.

-Y'a qui ?!

-Va-t'en ! Jeune Camille !


Bon, je suppose que j'vais penser dans ce genre de situations.

-T'as tout compris.

Pénible de vous avoir au crochet, franchement !

-T'exagères.

Ouais, ben, en attendant, il est plus de 21h, et moi, j'dois rentrer !

-Non, mais, non !

Ben si !

-Attends, tu vas pas partir comme ça, si ?

J'vois pas pourquoi ! Voyez, je sors déjà le sac !

-Ok, ok, tu fais ton sac...

Ah, vous avez compris !

-Mais tu restes !

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Commentaires
L
Encore un bon chapitre ^^<br /> Mais on se perdrait presque entre les interlocuteurs !
M
nous votons mathieu , camille ainsi que moi même le chat au grand savoir contre l'exposition surabondante de notre vie!!! à bas la satire!!! et puis camcam elle est pas toujours triste du moins elle a pas de petits spectres aux besoins pressants dans sa tête...<br /> Nous te saluons !!!
Délires gnossiens
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